La Guadeloupe tourne de l’œil ?!

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Le milieu de l’audiovisuel et du cinéma local est depuis quelques mois en véritable ébullition. Car après avoir chauffé pendant quelques années, c’est maintenant à une salve continue de « bulles » audiovisuelles à laquelle nous avons droit. Et ce n’est qu’un début…

Notre archipel est difficilement visible sur une mappemonde mais – Fichtre ! ou FOUT ! – ce qu’il est résonnant ; à défaut d’être raisonnable (pour certains) ou suffisamment résigné (pour d’autres)…

Ainsi, pendant que des Teddy RINER et Didier DINART continuent d’illuminer les rêves de « grandeur » d’une communauté par les exploits de leurs corps, ici dans leur pays d’origine, c’est l’association Ciné WOULÉ Guadeloupe et le festival « FEMI » qui peuvent se targuer d’être les initiatives populaires et publiques actuellement les plus anciennes et les plus en vue, en ce qui concerne le cinéma, et qui projettent les rêves du monde sur l’écran « stratégique » que constitue l’arrière de nos cabèches.

Maintenant, à côté de cela, nous avons des « soirées-films » qui jaillissent un peu partout, depuis quelques années. Les associations dédiées à la promotion des métiers de l’audiovisuel et les activités afférentes pullulent. Des projets de complexes de salles de cinéma s’évaporent ici et coulent par-là. Les formations professionnelles se montent et se démontent. Des concours apparaissent et disparaissent. Nous sommes comme balancés par une valse soutenue de projets et d’idées préparées souvent bien en amont… de ce que l’on peut en voir.

Que se joue-t-il dans ce milieu ?

Dans notre pays – au départ très mentalisé et au final départementalisé – la communication des idées et leur circulation est un enjeu tout aussi important que la gestion des fonds européens…

« Les informations », d’où qu’elles viennent et de quelques formes qu’elles soient, « doivent » être contrôlées, selon certains. Derrière la structuration poussée et l’organisation hautement hiérarchisée des institutions en charge du cinéma et de l’audiovisuel se cache beaucoup plus qu’une simple mise en forme de la défense ou de la promotion des métiers qui s’y rattachent. L’aspect économique qui est très souvent mis en avant est le pendant de l’aspect politique qui sous-tend la diffusion d’une création artistique qu’est une oeuvre audiovisuelle et vice-versa.

Des premières grippes mortelles contractées par une grande partie de nos ancêtres amérindiens à l’arrivée des premiers européens, jusqu’à l’éternuement du spectateur trop rafraichi par la forte climatisation d’une salle de projection lors de la dernière séance en pleine semaine, l’accès aux idées des populations et par les populations, a toujours été une grande source de convoitise. La raison principale à cela est simple : le contrôle de l’un sur ce que pense l’autre lui assure maîtrise et pouvoir sur ce dernier. L’exemple du zèle avec lequel un Père Breton s’est évertué à produire un dictionnaire Caraïbes-Français au 17ème siècle, n’est pas dû à une volonté de partage comme le disent certains… C’est que cela lui permettait d’accéder à la pensée abstraite et donc à l’imaginaire de ses sujets… d’étude. Car son objectif primordial, en tant que bon soldat-missionnaire dominicain, est la conversion d’un maximum de personnes à la forme de pensée qu’il défend, au dépend des autres ! Cette marche militaire religieuse forcée continue puisque, par exemple, les traductions de la Bible des chrétiens et d’autres ouvrages en langues « créoles » continue encore aujourd’hui. [En ce moment, une vague de films « antillais » et/ou en « créoles » est aussi « favorisée » principalement en direction de « l’étranger » avec comme corollaire la grâce des moyens financiers nationaux et européens. Dans le même temps, les 3 quarts des  populations d’origine de ces productions ignorent l’existence de ces créations (?!)…] Aussi, la polémique continue qui poursuit l’exposition permanente du musée Mémorial ACTe est un exemple proche dans la forme de la problématique que nous soulevons ici. Une mouvance franc-maçonne revendique ici dans ce lieu et ostensiblement son caractère abolitionniste, alors qu’opportuniste, après avoir été historiquement foncièrement esclavagiste. Ce deuxième point semble ne pas être « digne » d’être remémorer publiquement apparemment… Sa ki vlé konpwann konpwann !

Dans la continuité de ce que nous déclarons plus haut, le cinéma n’est donc pas qu’un produit de divertissement, mais bien un objet culturel plus ou moins immatériel qui communique et qui fait sens de par sa forme, son contenu, l’endroit où il s’exprime et la manière dont il se partage.

Dans notre chère Guadeloupe déchirée entre l’absence d’eau courante dans de nombreux robinets flambants neufs et le trop plein de morts violentes, écartelée entre un désir d’existence et une contrainte de résistance, les acteurs de la création et diffusion d’images animées ne sont pas en reste. Le discours du « pas assez » laisse place indubitablement au « suffisant » et frise le « twòp » . Car l’odeur de la marmite commence à se faire sentir de part et d’autre de notre bande d’iles.

La création locale intéresse-t-elle vraiment et qui ?

Notre pratique bien qu’associative mais profonde et durable nous permet d’avoir une lecture intéressante de ce pan de la société ici-bas. La constante : rien de nouveau sous le soleil des vidéo-projecteurs. À l’image de tout le reste, la consommation locale de production locale demeure le parent pauvre des stratégies de développement diverses à l’œuvre ; non pas parce qu’elle n’est pas suffisante ou de qualité. Non, là encore, les acteurs (dans tous les sens du terme) feignent de voir une réalité qui pourtant crève les yeux ou les écrans. Le public veut voir le cinéma d’ici et des gens d’ici.

Mais le « ici » comme dans tous les secteurs économiques et sociales est perçu comme une tare plutôt qu’une qualité, parce qu’interprété systématiquement comme un enfermement. Là où d’autres décrètent la protection de certaines formes d’expression de leurs sociétés, ici, nous participons à notre propre noyade culturelle au profit d’autres formes, sous couvert d’ouverture intellectuelle et de développement économique (?). Englués ou camouflés dans une idéologie « créoliste »,  beaucoup d’entre-nous devenus chantres « créolites » par excellence, revendiquent et vantent les vertus d’un être-au-monde bric-a-brac, forme de « Légo » spirituel, où comme par hasard la part européenne s’identifie clairement et systématiquement, mais où aussi les parties africaines et caribéennes sont plutôt flous voire « flouées » et maintenues dans un halo d’ignorance(s)  et de fantasme(s) perpétué(s) encore et encore.

Nous rappelons simplement, que nous n’avons globalement jamais eu aucun effort à fournir pour accéder aux idées du monde dominant puisqu’elles se sont toujours imposées à nous (souvent par la violence d’ailleurs, et en tous cas par la force). En d’autres termes, là où certains revendiquent l’ouverture à l’autre, ils ne font rien d’autre que défoncer des portes grandes ouvertes et sans serrures. Ainsi, à l’heure des développements personnels et durables, il est curieux de constater le soin avec lequel diverses organisations s’épanchent éperdument dans une démarche universalisante, alors même que la richesse artistique et productive locale est méconnue, repoussée voire méprisée par des méthodes subtiles de gestion notamment dans la diffusion…

Chez nous, ainsi, plutôt qu’un humain en particulier afro-descendant et à peau foncée, il est donc préférable d’être une plante médicinale ou un lamantin. Car là, visiblement le sentiment de considération voire les concepts de protection et de réparations semblent des attentes très aisées à concevoir (!?).

C’est pourquoi notre association s’évertuera toujours à insister sur « l’ici », et à l’ouverture sur soi-même, car nous le méritons et parce que nous le devons.

À BON « REGARDEUR »…

(à suivre…)

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