Nourriture idéale pour « têtes-sacs »…

Dans ce nouveau-monde de « l’économie des idées » dans lequel nous nous engouffrons depuis quelques décennies, un outil vient de paraître, c’est le : « MANIOC, bibliothèque numérique Caraïbe – Amazonie – Plateau des Guyanes« .

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Le « manioc » que nous consommons encore localement, notamment, sous la forme de galettes que l’on appelle « kasav » (met et mot hérité de nos ancêtres « kalinago » ; ceux qui ont été appelés plus tard « caraïbes ») est le symbole qui a été choisi pour nommer et représenter cette banque de données visuelles et audiovisuelles en ligne.
Elle est formée en partie de reproductions d’archives et autres documents anciens (livres divers, études pictographiques, dessins, gravures, extraits d’ouvrages documentaires d’époques,…).

Extrait de : The English-American : A New Survey of the West Indies, 1648 - édition de1928 (incluant des illustrations de l'édition hollandaise de 1700), (p. 22)  Résumé : Gravure représentant une attaque surprise par la mer des "Indiens" en Guadeloupe.
Extrait de : The English-American : A New Survey of the West Indies, 1648 – édition de1928 (incluant des illustrations de l’édition hollandaise de 1700), (p. 22)
Gravure représentant une attaque surprise par la mer des « Indiens » en Guadeloupe.
Extrait de : Les Caraïbes de la Guadeloupe 1635-1656 : histoire des vingt premières années de la colonisation de la Guadeloupe, d'apre?s les relations du R.P. Breton (p. 48 )
Extrait de : Les Caraïbes de la Guadeloupe 1635-1656 : histoire des vingt premières années de la colonisation de la Guadeloupe, d’après les relations du R.P. Breton (p. 48)

Nos ancêtres « kalinago » puis les tribus d’hommes auto-affranchis que l’on appelle communément « nèg mawon » ont infligé régulièrement, au fil du temps, de sévères défaites aux colonisateurs successifs (espagnols, anglais, français) de notre archipel, dès les premières dates de leurs arrivées lors de batailles sanglantes. Mais, vous aurez très peu de chance de trouver ces événements relatés dans des ouvrages d’histoire pour le tout public.

Car en France, toute la période qui précède la dernière abolition officielle de l’esclavage de son histoire, qui se passe hors de ses frontières européennes, est tabou. L’archipel de Guadeloupe est le seul endroit au monde (à notre connaissance) à avoir vécu deux décrets d’abolition (une première en 1794, une deuxième en 1848 ; entre les deux, en même temps qu’il promulguait le « Code Civil », Napoléon 1er rétablissait l’esclavage).

Aujourd’hui, la société actuelle considère dans son ensemble comme normal qu’il y ait la création de « cellules d’écoutes » et/ou « de crises » après des événements collectifs traumatisants (comme des catastrophes naturelles, des morts « extraordinaires », des faits exceptionnels de violence collective…). En même temps, en Guadeloupe et en France, il est commun d’entendre des « élites » intellectuelles (parmi lesquelles des psychanalystes et des philosophes parfois) dire : « il faut oublier » – « il faut pardonner », en parlant de la période citée précédemment qui a duré plusieurs siècles, dans sa phase la plus visible dans les archives. Mieux encore, l’esclavage est reconnu comme un crime. Cependant, François HOLLANDE, le président actuel de la France, a argumenté dans un discours qu’il n’était pas envisageable de penser à une quelconque réparation. Autrement dit, l’esclavage est un crime qui ne peut être ni étudié, ni jugé, ni condamné (?!).

Alors, dans cette amnésie collective organisée et maintenue depuis plusieurs siècles, les esprits chagrins et les têtes avides doivent fournir un effort personnel considérable pour arriver à contenter, un tant soit peu, leur soif de savoir et leur faim de connaissance. Car déjà formé de lambeaux identitaires, le sac de notre existence demeure vide ! Ici, nous disons « sak vid paka tyenn doubout ! » – en d’autres termes : il faut se nourrir pour vivre. C’est dans cette optique que nous pensons que la démarche du Service commun de la documentation de l’Université des Antilles et de la Guyane est louable. Comme l’indique la présentation du site, ce projet a été financé par l’état français (sous ses formes représentatives diverses) et par une fondation de descendants de colons. Mais, les flaques de libertés que forment les gouttes d’eau idéologiques qui tombent d’un robinet républicain souvent fermé, ne pèseront jamais assez face à l’océan d’injustice qui transporte l’Histoire de la Guadeloupe et des autres colonies françaises.

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3 Replies to “Nourriture idéale pour « têtes-sacs »…”

  1. Il faut rappeler ou dire (à ceux qui ne le savent pas) qu’il est inscrit dans la loi française que la colonisation a eu un rôle positif et est un bienfait (Voir > http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_française_du_23_février_2005_portant_reconnaissance_de_la_Nation_et_contribution_nationale_en_faveur_des_Français_rapatriés).
    Malgré le pseudo-tapage médiatique qui a eu lieu à l’époque autour de cela, cette loi existe toujours en bonne place. La tentative de certains élus de faire retirer la mention « positif » du texte a été rejetée (!!!)
    Quand on sait çà, on comprend mieux pourquoi il est officiellement interdit de critiquer toute politique coloniale de certains pays alliés de la France… Suivez mon regard… « Au dessus, c’est l’soleil » !
    Vivre l’âffre rance !

  2. Merci, pour cet article de fond et ton analyse. Mon expérience personnelle est qu’en France quand il y a eu les 150 ans de l’abolition de l’esclavage, une de mes professeurs de graphisme parlait des USA. Quand deux jeunes femmes élèves (une guadeloupéenne et une coréenne d’origine) ont proposé de faire des affiches ou d’aborder le sujet d’une manière quelconque : il y a eu un refus net.
    Moi, un peu lâchement, je n’ai rien proposé connaissant d’avance la réponse. Je suis allé à la première marche qu’il y a eu en France, par la suite.
    En effet cette histoire est occultée, je pense par l’extraordinaire violence sous toutes ses formes qui régnait aux Antilles. On dit souvent que le code noir est horrible. Mais, il fut établi parce que les violences qui avait été constatées aux Antilles était hors du commun. C’était presque pour « protéger des abus » et assurer les colons de pouvoir châtier et garder le pouvoir de façon « normale ». D’après ce que j’ai compris.
    Toutes les tactiques, ruses, et manières du pouvoir ont été exercées aux Antilles à cette époque de l’esclavage. Connaître cette période réellement se serait dévoiler des « secrets ». Comme les 83 personnes les plus riches du monde qui possèdent l’équivalent en fortune de 3 milliards d’êtres humains, aux Antilles les plus aisés voient tous les « ismes » passer, tous les « ités », toutes les « ogies », et se maintiennent.

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